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4 juin 2013 2 04 /06 /juin /2013 22:33

Le risque routier est souvent banalisé. Pourtant, les chiffres le prouvent : plus de la moitié des accidents du travail surviennent au volant. Les entreprises tâtonnent pour trouver des réponses. S’il n’y a pas de recette magique, la sensibilisation permanente, les formations, le suivi des conducteurs et des véhicules réduisent notablement la sinistralité.

«Quand je me suis penché sur le sujet en 2005, je n’en revenais pas. Pour moi, les accidents du travail, c’étaient des salariés qui tombent des échafaudages des personnes exposées à l’amiante ou à des risques chimiques. Jamais je n’avais réalisé que la voiture pouvait être dangereuse à ce point », souligne Gilles Besnard, chargé de mission à la direction des déplacements du conseil général de l’Essonne (91) qui compte 4 300 agents.

Les entreprises évaluent aussi rarement les bénéfices à retirer des actions de prévention : l’impact sur le renouvellement des véhicules et les fameux frais de restitution, les dépenses d’entretien, les primes d’assurance et les cotisations Ursaff. « Le problème de la prévention, c’est qu’il est difficile de savoir combien cela rapporte et combien d’accidents ont été évités », note Julien Tonner, ingénieur conseil au pôle risques physiques et technologiques de la Cramif.

Sensibiliser dirigeants et conducteurs

Dans ce domaine, qu’il s’agisse de sensibiliser, de communiquer, d’équiper les véhicules, d’investir dans la formation, le dirigeant et ses équipes sont en première ligne. « Nous notons des différences entre les directions régionales en fonction de leur implication », remarque Zebrine Ditsia, assistante parc automobile du groupe Pernod.

Au conseil général de l’Essonne, « les responsables de service disposent de tableaux de bord avec des données comme le nombre d’accidents et de kilomètres effectués. Cela aide à les sensibiliser car ils estiment souvent que la conduite relève de la vie privée du collaborateur. Nous insistons sur les procédures de communication afin qu’ils évitent de téléphoner aux agents quand ils sont au volant », précise Gilles Besnard. « Ceci dit, les collaborateurs eux-mêmes ne considèrent pas le fait de prendre le volant comme un acte de travail. Il y a donc une double action de sensibilisation à mener », reprend ce responsable. Et celle-ci commence, pour les agents, dès leur entrée au conseil général, par un petit « briefing » d’une demi-heure.

Les salariés prennent d’autant plus le pli de la sécurité routière qu’ils sont habitués à suivre des procédures strictes. « C’est dans les gènes de la société. Nos collaborateurs doivent respecter les plans de prévention des risques du client, les protocoles de chargement et de déchargement, les règles de déplacement en interne, etc. », souligne Nicolas Le Ny, directeur général d’Everdyn. Prestataire de services dans le secteur des automatismes et de l’informatique industrielle, cette société est certifiée MASE pour Manuel d’Amélioration de la Sécurité en Entreprise.

« Chez Otis, nous estimons que la sécurité fait partie du métier », explique Virginie Hauser-Kauffmann, responsable du pôle logistique chantier de l’ascensoriste. « Au sein de l’Institut de Soudure, où les salariés sont amenés à transporter et employer des équipements de contrôle sophistiqués, ils assistent régulièrement à des causeries sécurité qui intègrent le risque routier », indique Patrick Ruel, responsable QHSE de ce spécialiste de la R & D, du contrôle et de l’inspection dans l’industrie.

Des véhicules équipés pour diminuer les risques

Les démarches de prévention routière passent aussi par les équipements. ABS, ESP ou AFU (aide au freinage d’urgence) : « La législation commence à les rendre obligatoires. Bientôt, nous n’aurons plus besoin de communiquer sur leur utilité », espère Julien Tonner, de la Cramif. « Mais il ne suffit pas de donner les clés d’un véhicule bien équipé, il faut apprendre à bien s’en servir », complète Arnaud Willing-Salleron, responsable développement et relations fournisseurs chez Veolia Environnement Gestion Automobile. « Nous insistons auprès de nos réseaux de distribution sur la qualité de la prise en main de ces équipements que les collaborateurs ne connaissent pas forcément, comme le détecteur d’angle mort ou le régulateur adaptatif », met en avant le représentant de Veolia Environnement. Ce dernier outil régule la vitesse du véhicule mais aussi les distances de sécurité, et améliore donc l’apport du régulateur de base.

Principal problème de ces équipements : « Trop peu de véhicules en bénéficient. C’est aussi le cas de l’avertisseur de franchissement involontaire de ligne, de l’alerte de sous-gonflage des pneus ou de l’affichage «tête haute“ qui ne sont pas souvent disponibles, même en option. Pour les VUL, cela arrive toujours dans une deuxième phase, comme avec l’ESP ou le GPS. Pourtant, il est important d’intégrer ces équipements sur les VUL, “parents pauvres“ en termes de sécurité face aux VP », poursuit Arnaud Willing-Salleron.

Pour renouveler plus rapidement les véhicules et profiter des dernières technologies, de nombreuses entreprises soulignent l’apport de la location longue durée, voire de la location au sens large. « Quand les collaborateurs font appel à leur véhicule personnel, nous ne pouvons pas avoir ce niveau d’exigence. Depuis 2009, nous avons signé un contrat avec Europcar et les salariés ne recourent plus à leur propre voiture en mission. Cela permet aussi de réaliser un suivi plus efficace », relate Nicolas Le Ny, d’Everdyn.

Télématique embarquée : un véritable plus pour la sécurité ?

Prestataire d’ingénierie et de services dans la propreté, le nucléaire et la sécurité, le groupe Onet ne dira pas le contraire. Ses 6 387 véhicules, tous en LLD, sont pourvus a minima de deux airbags et de l’ABS. Certains sont aussi dotés de l’AFU, de l’ESP et d’un régulateur ou limiteur de vitesse. Les VUL incluent des aménagements agréés pour plus de sécurité. « Il faut privilégier des véhicules qui comprennent tous les équipements de sécurité passive et active. Les plus récents sont souvent les mieux équipés et les moins énergivores », rappelle Patrick Cézard, le référent risques routiers du groupe (voir le reportage page 38).

Parmi les équipements plébiscités : le GPS. Considéré a une époque comme dangereux, il est désormais conseillé par la Carsat (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). « C’est un plus car le conducteur n’est plus hésitant aux ronds-points ou aux sorties d’autoroute. Il peut se concentrer sur la conduite », constate Arnaud Willing-Salleron, pour Veolia Environnement. Et emprunter le trajet le plus rapide ou le moins embouteillé limite aussi la fatigue et le stress.

Connecté à un bouton e-call, « le GPS facilite l’intervention des secours ou des services de dépannage », ajoute Arnaud Willing-Salleron. Ce dernier s’intéresse aussi de près aux systèmes de commande vocale qui permettront au conducteur de garder les deux mains sur le volant. » Un simple message alerte alors le collaborateur.

« Le GPS constitue aussi un support à la formation pour restituer des données utiles comme les accélérations brutales, les freinages brusques, la vitesse dans les virages », détaille Daniel Vassallucci, président de Mapping Control, prestataire de géolocalisation. Avec cependant des limites pour les données relatives à la vitesse du véhicule et aux éventuels excès qui en découlent. De fait, le chef d’entreprise ne peut se substituer au gendarme.

La communication au service de la prévention

« Après une formation, le GPS favorise l’auto-contrôle et la pérennisation des acquis car le conducteur peut appréhender lui-même son comportement », avance Joël Zussini, directeur délégué de Traqueur, également spécialiste de la télématique embarquée. Ces outils poursuivent leur conquête des flottes mais leur coût et la réticence des salariés demeurent deux freins majeurs. La crainte du « flicage » est souvent présente.

Une fois le véhicule équipé, il reste à se préoccuper du conducteur et de son comportement. C’est l’autre versant de la prévention. « Dans notre journal interne, nous relatons systématiquement les faits importants et les accidents marquants. Pendant un an, nous avons distribué, avec les feuilles de paie, de petites affichettes avec des conseils sur la ceinture de sécurité, l’anticipation des angles morts, etc. », explique Patrick Ruel de l’Institut de Soudure.

Et avec internet, la communication ne cesse de se développer. Les collaborateurs de l’Institut de Soudure reçoivent de petits « quiz » et environ la moitié d’entre eux y répondent. Ceux d’Everdyn aussi : « La participation aux quiz est obligatoire. La prime de fin d’année en dépend », souligne Nicolas Le Ny. Parmi les thématiques abordées : la conduite à tenir sur les routes verglacées, la cohabitation avec les deux-roues, etc. Autre astuce de Nicolas Le Ny : l’envoi de SMS, par exemple avant les départs en mission : « N’oubliez pas de vous arrêter toutes les deux heures pour les longs trajets, n’utilisez pas le téléphone portable. » Il ne faut pas avoir peur de « rabâcher », reprend Guy Callet, directeur QHSE et moyens généraux du groupe CIAT, spécialiste des solutions de chauffage, de climatisation et de réfrigération. « Mais sans lasser, sans abreuver les salariés de statistiques », nuance Patrick Ruel, pour l’Institut de Soudure.

La sécurité, un message à répéter sans cesse

Pour être entendu, il faut aussi miser sur l’inventivité. Chez Everdyn, un forum interne de discussions offre aux salariés d’échanger sur les bonnes (et mauvaises) pratiques. « Les incidents au volant, qui doivent tous être signalés, font souvent l’objet de discussions. Une collaboratrice a lancé une discussion sur les distances de sécurité après un accident, relate Nicolas Le Ny. Cela montre que le message est passé. La prévention paie à condition de ne jamais relâcher la pression. »

Les challenges et autres concours qui favorisent l’émulation font partie de la boîte à outils. Otis a fixé des paliers de jours sans accidents et récompense les salariés individuellement et par équipe. Les meilleures performances sont signalées dans le journal interne et le groupe offre aux collaborateurs « une journée avec une thématique découverte ou sportive liée à la sécurité », précise Virginie Hauser-Kauffmann. Une solution que d’autres entreprises préfèrent éviter : « La sécurité ne s’achète pas », estime de son côté Patrick Ruel.

Des challenges pour maintenir la pression

« Après avoir testé des challenges avec des gagnants individuels, nous sommes passés à des challenges par équipe. En effet, un conducteur qui se sait perdant continuera à faire des efforts pour faire gagner son équipe », constate Zebrine Ditsia, pour le groupe Pernod. Qui réfléchit désormais à la télématique embarquée et met en place de l’e-learning. En deux ans, entre 2010 et 2012, le groupe Pernod a réduit la sinistralité de 30 %. « Mais nous avons atteint un palier ». Il n’y a donc pas d’outil « miracle ». « L’astuce consiste plus à varier les vecteurs de prévention, de sensibilisation et de formation », estime Zebrine Ditsia.

« Le suivi personnalisé porte toujours ses fruits », relève Virginie Hauser-Kauffmann, qu’il s’agisse de décortiquer les raisons d’un sinistre ou d’un PV, de contrôler les livrets des conducteurs, les permis de conduire, le nombre de points ou l’entretien des véhicules. Cela amène aussi à cibler les salariés les plus accidentogènes et à « leur proposer de petits cours de rattrapage », comme le préconise Gilles Callet du groupe CIAT. Ils ont d’ailleurs tout intérêt à faire attention : chez CIAT, ils paient la franchise de leur poche après deux accidents, si leur responsabilité est engagée, ainsi que les amendes. Un mode de fonctionnement qui se développe dans d’autres entreprises.

« Nous couplons plusieurs données comme celles de la sinistralité et le nombre d’amendes », explique Zebrine Ditsia, pour le groupe Pernod. Selon elle, « la moitié des accidents implique un petit nombre de conducteurs récidivistes. » « Mettre en exergue les exceptions, cela permet de se concentrer sur les priorités. D’où l’utilité d’outils de pilotage et de mécanismes d’alerte », argumente Joël Zussini, pour le prestataire Traqueur.

Cibler les conducteurs les plus accidentogènes

Plus avant, l’analyse de la sinistralité aide à affiner le diagnostic. « Un pare-brise en miettes indique souvent que le conducteur roulait trop près du véhicule précèdent, trop vite. Si les chocs avant sont majoritaires, il faut insister sur le respect des distances de sécurité », rappelle Patrick Ruel, pour l’Institut de Soudure.

Quand des entreprises passent ensuite à la phase de formation, elles privilégient souvent l’éco-conduite. « Certaines ne veulent pas entendre parler de sécurité routière car elles estiment que la sinistralité n’est pas un message porteur, d’autres évitent les mots de “conduite rationnelle“ qui ne plaisent pas à des collaborateurs assurés d’être de bons conducteurs », remarque David Laurent, responsable des formations innovantes à I’Inserr (Institut national de sécurité routière et de recherches). Mais le salarié peut se sentir plus stimulé s’il reçoit un message relatif à sa propre sécurité plutôt qu’une incitation à faire des économies », pointe Julien Tonner, pour la Cramif.

Au-delà de la sémantique, « il est question, dans les deux cas, d’anticipation et de prise de décision au volant, de comportements et d’habitudes. Il faut rendre le conducteur autonome et acteur », affirme David Laurent. Ce qui passe par une réflexion personnelle. « Il y a le conducteur qui effectue de longues distances et peut être sujet à un manque d’attention, celui qui appuie sur l’accélérateur pour tenter de rattraper le temps perdu, etc. », énumère le représentant de I’lnserr.

« Nous avons choisi des formations d’une journée moitié théoriques, moitié pratiques, moitié sécurité routière, moitié éco-conduite. Le salarié reste à bord de son véhicule, ce qui est plus probant car c’est celui qu’il emploie tous les jours », rapporte Gilles Callet, pour le groupe CIAT.

Des formations sur mesure pour les salariés

Autre solution adoptée par Everdyn : les salariés dispersés sur plusieurs sites bénéficient de cours annuels en binômes par le biais d’auto-écoles locales. Au programme : un premier quart d’heure d’observation, un point avec le moniteur et une série d’exercices sur les distances de sécurité ou encore le freinage d’urgence. À cela s’ajoutera bientôt une séance de code.

La formation peut se doser en fonction du profil. « Nous avons établi un module de sensibilisation d’une demi-journée pour tous les agents, y compris ceux qui recourent à leur véhicule personnel, un module d’une journée par groupe de quatre personnes pour ceux qui roulent plus, et un autre de deux jours pour les très gros rouleurs », détaille Gilles Besnard. Et le chargé de mission à la direction des déplacements du conseil général de l’Essonne fait évoluer ces formations vers l’éco-conduite, une décision couplée avec celle d’acquérir des véhicules électriques.

Mais l’exercice a ses limites : « En formation, au bout d’un quart d’heure, l’attention se relâche déjà », souligne Gilles Besnard. Autant dire qu’au bout de quelques mois… « Nous proposons aux agents formés de s’entraîner ensuite sur des simulateurs », complète-t-il.

Raisonner en termes de mobilité élargie

« Ces formations et ces actions sont également utiles pour ceux qui prennent le volant pour se rendre au travail, insiste Julien Tonner de la Cramif. Globalement les salariés sont de plus en plus amenés à allonger leurs trajets avec un impact sur les conditions de travail et sur la santé. » Un sinistre sur un trajet domicile-travail, c’est aussi de l’absentéisme en plus. « La sécurité au volant, c’est important au sein de l’entreprise mais aussi pour les trajets domicile-travail ou en vacances. C’est lié », ajoute Nicolas Le Ny, pour Everdyn.

La Carsat incite ainsi les entreprises à réaliser des plans de déplacements, « à mener une réflexion globale et à travailler sur la mobilité qui doit devenir partie intégrante de la culture d’entreprise », note cet ingénieur. Cela peut aller de la création d’une crèche sur le site de l’entreprise à celle de navettes inter-entreprises.

« Quand on se penche sur la baisse des coûts, on s’aperçoit qu’il souvent possible d’économiser du carburant mais aussi de diminuer le risque routier. Cela touche parfois de petits détails comme changer les habitudes de déplacement pour le déjeuner », précise Joël Zussini, pour Traqueur. La sécurité routière devient alors partie intégrante d’une réflexion sur le coût complet.

Flotauto 24/05/2013

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